2012. január 20., péntek

11.793 - Pour la Hongrie

From: Illés György <i.gyrgy@gmail.com>
Date: 2012. január 19. 
Subject: Pour la Hongrie
To: Kutasi József <jozsef@kutasi.eu>


Jeudi 5 janvier 2012405/01/Jan/201212:37
Pour la Hongrie
Nous somme tous des patriotes hongrois !
La situation en Hongrie continue d'agiter tout ce que Paris compte de grandes âmes, de gens d'esprit, de pasteurs méthodistes et de banquiers philanthropes. Hier soir encore, Le Monde consacrait toute la première partie de son éditorial aux « dérives antidémocratiques » de M. Orban, à sa constitution « infâme » et à ses lois « scélérates ». On en appelait évidemment à l'Europe, à l'esprit du traité de Rome, aux mannes de Monnet, de Schumann et d'autres grandes consciences bruxelloises… Et – pour la première fois – on réclamait même des sanctions ! Eh oui, des sanctions, des vraies, des sérieuses, des sévères. On doit bien reconnaître que sanctionner un gouvernement issu d'élections démocratiques n'est pas chose facile. Mais, tant pis. Après tout, qui aime bien châtie bien!
C'est en lisant la seconde partie de l'éditorial qu'on comprenait mieux ce qui mettait notre chroniqueur mondain dans une fureur aussi noire : la politique économique du gouvernement hongrois ! « En vertu d'un curieux credo nationaliste, M. Orban semble avoir décidé que son pays, pourtant gravement atteint par la crise, pouvait s'en sortir seul. Il refuse de se plier aux conditions posées par l'UE et le FMI pour accorder leur aide»… Ah ! il refuse de subir les diktats de ces messieurs de Francfort et de New York ? Ceux là même qui viennent de saigner à blanc la Grèce et qui s'apprêtent à mettre à plat l'Italie, l'Espagne et le Portugal ? C'est entendu !
Que M. Orban ait des méthodes passablement autoritaires, qu'il soit un peu chatouilleux sur les questions de drapeau, d'ordre et de religion, qu'il apprécie modérément le mot République, qu'il vient d'ailleurs de congédier de sa constitution, passe encore ! Mais qu'il se refuse de se prosterner devant M. Draghi et Mme Lagarde, de se faire mener par le bout du nez par le dernier des eurocrates, là on bascule dans l'aveuglement criminel ! Vous voulez d'autres preuves que M. Orban est un proto-fasciste ? il ne croit ni à l'indépendance des banques centrales, ni à la concurrence libre et non faussée, ni à l'intelligence de M. Van Rompuy, ni à l'honnêteté de M. Juncker !
Un pays qui élit massivement un gouvernement de redressement national pour le sortir d'une crise où l'Europe l'a plongé, qui approuve tout aussi massivement une nouvelle Constitution où les mots de patrie, d'honneur et d'histoire retrouvent un sens, qui a la bonne idée (au passage) de se débarrasser de la République et de toute la verroterie « démocratique » issue de l'époque stalinienne, qui défend ses droits, ses emplois, son économie face à la finance internationale et aux gnomes de Bruxelles. Qu'est-ce que c'est, selon Le Monde, Libération et notre belle presse bourgeoise ? Une quasi dictature !
Et des pays comme l'Italie ou la Grèce à qui l'on impose comme dirigeants, par simple cooptation, sans aucune élection, des employés de Goldman-Sachs, des voyous notoires, des banquiers véreux, qui ont pour certains prêté la main à la faillite de leur pays et qui n'ont été placé là que comme garde-chiourmes des marchés et des prédateurs. Qu'est-ce-que c'est, selon Le Monde, Libération et consorts ? Des pays libres et démocratiques ! A tel point qu'on voudrait qu'il en soit de même pour la France. M. Lionel Stoléru n'affirmait-il pas placidement la semaine dernière dans les colonnes du Monde que « la démocratie est incapable de sécréter et de soutenir des dirigeants politiques qui ont le courage de prendre des décisions impopulaires mais nécessaires » [1] ? Et qu'il fallait songer à confier le pouvoir à «des hommes courageux » comme MM. Camdessus, Trichet, Pascal Lamy ou Claude Bébéar. Et pourquoi pas directement à Mme Parisot ?
La Hongrie est aujourd'hui le symbole de l'Europe qui résiste. Elle le fait au nom du droit des peuples à maîtriser leur destin, comme elle le fit, il y a un peu plus d'un siècle, au nom du droit des hommes à vivre, fiers et libres. Les manifestations d'opposants hongrois, que nos médias passent généreusement en boucle, rassemblent en réalité bien peu de monde. Selon l'homme de la rue à Budapest, on y compte surtout des vieux, des fonctionnaires et, par-dessus tout, des adeptes de l'ancien régime communiste. Ce régime qui prit le pouvoir par la tricherie, le mensonge et par le crime, qui interdit toute constitution, toute vie démocratique, toute expression syndicale, un régime de policiers, de bourreaux et d'assassins qui imposa pendant près d'un demi siècle à la Hongrie une République aux mains tachées de sang. C'est le souvenir de ce passé abject que nos amis hongrois veulent aujourd'hui exorciser, en approuvant une Constitution qui met à nouveau en avant les symboles de leur identité, leur langue, leur territoire, leurs libertés. C'est peut-être aussi d'un passé plus lointain, mais tout aussi cruel, dont ils veulent se délier : celui du Traité de Trianon de 1920, où les puissances alliées, et en premier lieu la France républicaine et laïque, cherchèrent à punir et à humilier la Hongrie catholique et habsbourgeoise en réduisant des deux tiers sa population et son territoire.
L'Union européenne et sa cohorte de politiciens ignares, de fonctionnaires soumis et de banquiers voraces pensent pouvoir se mettre en travers de ce processus de mémoire et de renaissance nationale. Ils rêvent de diktats, de punitions et de sanctions. Qu'ils prennent garde ! La Hongrie ne s'est pas détachée de l'Union soviétique pour retomber dans une autre forme d'empire, mieux camouflé mais tout aussi tyrannique. Elle résistera et sa résistance peut demain en susciter d'autres. En 1956, le peuple français, malgré ses dirigeants de l'époque, apporta spontanément son soutien à l'insurrection de Budapest. Certaines soirées parisiennes de novembre 1956 furent l'occasion de rappeler aux complices français des bouchers du Danube qu'ils devaient se tenir à carreau. Car à Paris, on n'aime pas beaucoup ceux qui insultent les peuples libres. Ce soir, nous sommes tous des patriotes hongrois !
Hubert de Marans.

[1]. Lionel Stoléru, « Il faut changer de gouvernement, la crise exige un nouveau Premier ministre », Le Monde du 30 décembre 2011. Il est stupéfiant (et encourageant !) de voir M. Stoléru insulter aussi ouvertement la démocratie dans les colonnes du Monde. Dire que le régime est incapable de secréter des hommes qui ont le sens du long terme et le courage de prendre des décisions difficiles est une vérité première. Encore faut-il que ces hommes aient la légitimité pour le faire et que leurs décisions soient prises dans le sens de l'intérêt national et non pas de celui du capitalisme international. M. Stoléru, encore un effort pour devenir royaliste !
Publié dans : Politique